Claude Couture

Le 16 juillet 2015 par Roger Beaupre à 17 h 02 min

L’industrie s’est organisée pour que la réparation coûte souvent plus cher que le remplacement du produit, dénonce le doyen des réparateurs du Québec.
La laveuse de Gisèle Côté commençait à être bruyante et à sentir le chauffé après une dizaine d’années de services. C’est Claude Couture, le doyen des réparateurs d’électroménagers au Québec avec près de 50 années d’expérience, qui est venu examiner l’appareil.

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Laveuses soudées
Son verdict est classique. La tige qui tient la cuve en place doit être remplacée, tout comme les coussinets (les bearings). Son estimation: plus de 1000 $, soit 90 $ de main-d’œuvre, mais un impressionnant 943 $ de pièces.
«Il y a 15 ans, ça lui aurait coûté moins de 400 $. Elle l’aurait fait réparer», dit l’homme de 72 ans.
La différence avec l’ancien temps est que la plupart des composantes des laveuses sont maintenant soudées et non vissées. Alors, peu importe la pièce qui brise, il faut tout changer. Ici, l’arbre et le panier ainsi que la cuve et les coussinets viennent ensemble.
Gisèle Côté a payé les 50 $ du déplacement de Claude Couture, mais va s’acheter une laveuse flambant neuve qui coûtera quelques centaines de dollars de moins que la réparation de sa vieille machine.
«Aujourd’hui, le quart de mes clients prennent cette décision. Et je les comprends», dit-il.
Culture du jetable
«L’industrie a évolué dans la mauvaise direction. On a créé une génération d’appareils jetables», peste Claude Couture.
Mais pourquoi souder les pièces au lieu de les visser? Parce que c’est plus facile et économique à assembler en usine, répond Claude Couture.
Et les clients profitent de l’économie au moment de l’achat. Mais à long terme, le consommateur est perdant, puisque sa laveuse va briser et être remplacée en moyenne après sept ans, au lieu de 15 auparavant.
M. Couture suspecte même les fabricants de faire exprès pour forcer les consommateurs à changer leurs appareils plus souvent.
Le Journal a demandé aux géants Whirlpool, LG, Samsung et Miele de s’expliquer. Aucun n’a rappelé Le Journal deux jours après la demande.
Il y a 20 ans, M. Couture facturait généralement moins de 100 $ pour la réparation mineure d’un électroménager. Maintenant, à cause du coût des pièces, sa facture dépasse presque toujours 200 $.
Les appareils durent moins longtemps, tout comme la garantie des pièces, dans plusieurs cas passée de 10 ans à un an.
«Environ 20 % de toutes les plaintes que nous recevons concernent des garanties», dit Charles Tanguay, de l’Office de la protection du consommateur.
Bref, mieux vaut garder longtemps ses vieux électros, conseille Claude Couture. La semaine dernière, il a même réparé une laveuse achetée en 1965, année où il a commencé son travail de réparateur d’électroménagers.
7 : Le nombre moyen d’années de vie d’une laveuse. C’est deux fois moins que celles fabriquées il y a une vingtaine d’années.
37 : Le numéro de l’article de la Loi sur la protection du consommateur qui dit qu’un bien doit pouvoir servir «pendant une durée raisonnable», et ceci peu importe si la garantie est échue. Donc, si ce n’est plus garanti, ça l’est peut-être encore.

QU’EST-CE QUI BRISE ?
Claude Couture résume ce qui exige le plus souvent une réparation.
Frigo
Le nouveau fréon plus écologique est aussi plus corrosif. Les fuites causées par des tuyaux rongés sont fréquentes.

Four

Les composantes électroniques. «Tout ça pourrait être simplifié. On n’utilise pas toutes ces fonctions», dit-il.

Laveuse

Les coussinets (les bearings). «Ils sont soudés à la cuve, alors il faut tout remplacer. Ça coûte plus cher.»

Sécheuse

«C’est ce qui brise le moins souvent. Parfois, le trop long tuyau de renvoi d’air génère une surchauffe.»

Lave-vaisselle

Les pompes. «La capa­cité des lave-vaisselle est plus grande, mais les pompes sont plus petites, alors elles sont trop sollicitées.»

LES VICTOIRES DE DAVID C. GOLIATH
Fabricants et détaillants en font parfois voir de toutes les couleurs à leurs clients. Voici quatre histoires de laveuse où c’est le vendeur qui s’est fait rincer les oreilles.
Code d’erreur inconnu
Quand la laveuse s’est mise à mal essorer et qu’un code d’erreur s’est affiché, le couple de Rigaud a appelé son fabricant. Sa réponse: le code d’erreur n’est pas mentionné dans son manuel, alors il ne peut rien faire pour eux! Pire: étant donné qu’ils n’ont pas acheté de garantie prolongée, il refuse de leur suggérer un réparateur. Des réponses incomplètes qui lui coûteront finalement plus de 2500 $ puisque les clients malchanceux ont aussi eu des problèmes avec leur frigo, acheté au même moment.

« Changez-la donc ! »

Un réparateur qui suggère de ne pas réparer, ça peut surprendre. C’est pourtant ce qu’a fait un employé de Granby, gêné de facturer à nouveau plus de 300 $ à son client pour une laveuse payée 549 $ moins de deux ans auparavant. Le fabricant ne voulant pas payer la facture de réparation, il s’est retrouvé en cour. En mai, un juge a octroyé 935 $ au client (500 $ pour la laveuse, 335 $ pour les réparations et 100 $ pour les troubles).

Cliente harcelante ?

Un vendeur de Valleyfield qui a vu sa cliente l’envoyer en cour parce qu’insatisfaite de sa laveuse, l’a à son tour poursuivie pour harcèlement, considérant ses demandes non fondées. Mal lui en prit. En plus de condamner le commerçant à lui verser 400 $, la juge a estimé que la cliente avait fait valoir ses droits «d’une façon qui a peut-être dépassé les limites de la courtoisie, mais qui ne justifie pas une réclamation pour harcèlement».

Informer le vendeur

Un client insatisfait de son produit doit d’abord donner au détaillant ou au fabricant la possibilité de régler le problème avant de l’envoyer en cour. Un citoyen de Longueuil a oublié d’envoyer une mise en demeure et en a payé le prix. En avril dernier, une juge a rejeté sa demande de rembour­sement sans même savoir si sa plainte était ou non fondée.


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